Les bailleurs sociaux sont en première ligne face à l’application des lois concernant la performance énergétique des logements et leur location. Dotés de parcs immobiliers conséquents constitués de bâtiments dont la qualité varie fortement, notamment en ce qui concerne l’isolation thermique, ces acteurs se doivent d’être attentifs quant aux récentes régulations ambitieuses qui pourraient avoir un impact important sur les impératifs de maintenance et de rénovation.

Un cadre historique : Les critères de décence

Que la location de logements soit soumise au respect de certains critères n’est pas un fait nouveau. En effet, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain de 2000 modifie le code civil et la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation pour y faire apparaître la notion de logement décent. Un tel logement est défini comme un logement « ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation ». Un décret publié en 2000 apporte des précisions quant aux critères retenus : sécurité physique et santé, équipement et confort, insalubrité…

Celui qui ne respectait pas ces critères s’exposait à des sanctions, forçant à la fois les bailleurs à ne pas proposer de logement indécent, tout en garantissant un pouvoir de négociation plus fort au locataire qui pouvait dorénavant se permettre d’exiger un minimum de confort dans l’habitation.

Ce qui change avec la loi Climat et Résilience

Afin de répondre aux exigences fixées par l’Accord de Paris, la loi de transition énergétique pour la croissance vert (TEPCV) de 2015 modifie à nouveau l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 afin d’ajouter le critère de performance énergétique minimale, sans néanmoins fixer de seuil ou de limite précis sur cette performance énergétique. Ce n’est qu’en 2019 avec la loi Energie climat qu’un seuil maximal de consommation d’énergie primaire est instauré avec pour objectif à terme l’éradication des passoires thermiques. Ce seuil est fixé à 450 d’énergie primaire par mètre carré de surface habitable et par an par le décret du 11 janvier 2021, ce qui correspond à la catégorie G+ créée pour l’occasion, seuil qui entre en vigueur en début d’année 2023. Aujourd’hui, il est donc impossible pour un bailleur de louer son logement s’il consomme plus que cette valeur pour les nouveaux contrats de location.

Cette « interdiction de louer » des logements énergivores n’est que la première étape d’une stratégie nationale visant à être de plus en plus exigeant avec les bailleurs au fil des années en ce qui concerne la performance énergétique de leurs bâtiments. Ainsi, dès 2025, ce sont les logements classés avec une étiquette DPE G qui seront impropres à la location, puis les logements classés F à partir de 2028 et E en 2034.

Comment fonctionne le DPE ?

Le diagnostic de performance énergétique, ou DPE, est un système de classement des logements, initialement seulement selon leur performance énergétique, mais depuis 2021 également selon leur performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Cela signifie qu’à la mesure des kWh d’énergie primaire consommés par m² par an est dorénavant adjointe une mesure du nombre de kilogrammes de dioxyde de carbone équivalent émis par mètre carré par an, selon le classement suivant :

 

 

Cette métrique liée aux émissions de GES existait en fait avant 2021, mais elle était présentée séparément du DPE et n’avait aucun impact sur celui-ci. L’enjeu de la rénovation énergétique et de l’impact carbone des bâtiments des bailleurs sociaux est immense puisqu’une étude de l’USH a montré que près de 1,8 million de logements sociaux devront être rénovés d’ici 2034 car dotés d’étiquettes DPE G, F ou E, soit plus de 6% du parc de logements français.

Quelles conséquences en cas de logement non décent

Mais que se cache-t-il réellement derrière cette « interdiction de louer » ?

A date, tout locataire qui se trouve dans un logement indécent du point de vue énergétique est en droit de demander sa mise en conformité au propriétaire, et donc des travaux de rénovation en urgence. Si un accord n’est pas trouvé, alors le locataire peut en référer à un juge qui fixe le type de travaux à réaliser et le délai sous lequel ils doivent l’être. En conséquence, le juge peut alors diminuer le loyer à payer par le locataire, voire le suspendre jusqu’à ce que le propriétaire ait procédé à la rénovation. Il peut également décider de réduire la durée du bail.

A partir de 2025, les habitations classées G se verront interdites à la location pour les nouveaux contrats, mais pas seulement. Elles suivront également le processus décrit précédemment pour les contrats en cours. Il en ira de même pour les logements classés étiquette DPE F en 2028 et E en 2034.

La régulation européenne

L’ensemble de ces régulations s’applique à l’échelle française sous l’impulsion de la stratégie générale de l’Union Européenne de baisse des émissions liées aux bâtiments. Deux directives, celle sur la performance énergétique de 2002 et celle relative à l’efficacité énergétique de 2012, chacune révisée en 2018, ont fixé quelques règles. La présence de certificats de performance énergétique comme le DPE sur les annonces est devenue obligatoire dans de nombreux cas et les pays de l’UE doivent atteindre un objectif d’efficacité énergétique de 32,5% en 2030 par rapport à 2007, notamment en travaillant sur leurs bâtiments, consommateurs majeurs d’énergie. De plus, en 2020, la Commission Européenne a dévoilé sa stratégie « Une vague de rénovations pour l’Europe » avec pour but de doubler ses taux de rénovation durant les dix prochaines années.

Perspectives européennes

Nous pouvons déjà tracer les grandes lignes probables des réglementations futures qui auront un impact sur la France en observant la proposition de révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments faite en 2021 par la Commission européenne. Elle fixe une cible de 2025 pour que tous les certificats soient harmonisés de A à G à l’échelle européenne, avec l’étiquette G désignant les 15% de bâtiments les moins efficaces. Les objectifs de rénovation semblent cependant moins ambitieux que ceux français en ce qui concerne les bailleurs sociaux. La classe A correspondrait ainsi aux bâtiments à émissions nulles : ce terme désigne « un bâtiment à la performance énergétique très élevée conformément au principe de primauté de l’efficacité énergétique, et dans lequel la quantité très basse d’énergie encore requise provient en totalité de sources d’énergies renouvelables au niveau du bâtiment ou du quartier ou de la communauté lorsque cela est techniquement possible ».

Ainsi, l’effervescence des régulations sur la rénovation énergétique ne semble pas prête de s’arrêter. Pour les bailleurs sociaux, il sera nécessaire de s’adapter aux normes en vigueur, mais également utile d’anticiper les prochaines en adoptant des mesures ambitieuses afin d’avoir une longueur d’avance tout en se prémunissant des risques réglementaires et en offrant un logement de qualité aux locataires. Pour éradiquer les passoires énergétiques, il est essentiel pour chaque bailleur de définir un plan clair d’entretien et de rénovation ciblant en priorité les plus mauvais élèves de son parc immobilier.

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